Ainsi la lettre de Guy Môquet aurait été lue par l'encadrement de l'équipe de France de rugby à nos vingt deux "guerriers" quelques heures avant le coup d'envoi de ce qui aurait du être une magnifique fête et qui, quatre vingt minutes plus tard, se transformera en naufrage collectif. Les Pumas, en une interception bien sentie et quelques chandelles qui nous en firent voir trente six, n'auront fait qu'une bouchée d'un Coq aux couleurs bien délavées.
Certes, le parlé rugby s'accommode souvent de métaphores guerrières, sur ce terrain où l'on parle tout autant de combat que de jeu, sur ce terrain qui, en plein hiver, a parfois de faux-airs de tranchées.

Mais visiblement, à trop vouloir filer la métaphore, Bernard Laporte en a tétanisé ses troupes. Après tout, même si le sport est parfois un exutoire moderne pour flatter le patriotisme de nos nations pacifiées, il doit rester un jeu. Et c'est bien là que le bât blesse, dans cet appel au sacrifice pour la patrie, dans cette gravité imposée à ce qui devrait rester un moment de bonheur et de plaisir. Le contraste était immense entre la pesanteur du jeu des bleus vendredi soir, sans inspiration ni créativité, tétanisés par l'enjeu, et la légèreté, l'inspiration, la joie du jouer ensemble du rugby néo-zélandais le lendemain après-midi.

Plutôt que la lettre de Guy Môquet, peut-être Bernard Laporte aurait-il été plus inspiré en lisant à ces joueurs un extrait de l'Eloge du plaisir. Mais le futur secrétaire d'état aux sports, faut-il le lui reprocher, trouve ses inspirations plutôt du côté d'un certain Nicolas S. que d'un Michel O.

Texte original du site 1984 : krysztoff.typepad.com/1984/ - Copyleft 1984-zeblog.fr