14 décembre 2011

Méthode globale contre Méthode syllabique : une querelle vaine



UNE QUERELLE VAINE : MÉTHODE "GLOBALE" CONTRE MÉTHODE "SYLLABIQUE"

Méthode « globale » ou méthode « syllabique » ? Chacune d’elles a ses partisans, et ses partisans convaincus, voire intransigeants. La querelle qui les oppose nous paraît assez vaine. Quel que soit le système employé, il faut toujours qu’on en revienne aux deux opérations fondamentales de la lecture : l’analyse (décomposer un mot en ses syllabes), la synthèse (grouper les syllabes connues pour composer des mots nouveaux). Peu importe que l’enfant aille d’abord de la synthèse à l’analyse ou de l’analyse à la synthèse. Son esprit n’est pas tel qu’il répugne absolument à l’une de ces démarches et qu’il se rallie à l’autre sans difficulté. Au reste, toutes deux peuvent se recommander de principes indiscutables de bonne pédagogie : « Je vais du concret à l’abstrait », proclame la méthode globale. « Et moi, du simple au composé », rétorque la méthode syllabique.

L’essentiel est qu’on sache intéresser l’élève, que la lecture ne soit pas pour lui la prononciation de sons juxtaposés, mais, le plus rapidement possible, la découverte des réalités vivantes qui se cachent sous les signes de l’écriture. Comme nous le soulignons plus loin, il faut que l’enfant comprenne ce qu’il lit, et que la manière dont il lit prouve qu’il comprend. Le grand secret de l’apprentissage de la lecture est là. Donc, pas de mots étrangers au vocabulaire des petits, pas de phrases complexes, pas de textes sévères. En revanche, ne pas tolérer les lectures hachées en syllabes qui sont, trop souvent encore, traditionnelles dans les petites classes.

La méthode syllabique construit toutes ses leçons sur un plan unique : examen d’un « mot-type » ou « mot-clé » (illustré par un dessin) qui fournit le son étudié ; puis, formation de syllabes et, immédiatement, lectures de mots, de phrases, d’historiettes. Cette monotonie dans le procédé employé, contrairement à ce qu’on pourrait supposer, ne semble à l’élève ni fastidieuse, ni ennuyeuse. L’enfant — et surtout l’enfant de 5 à 7 ans — est traditionnaliste, routinier même, très attaché à ses habitudes. Son esprit s’accommode volontiers d’une méthode qui, pour toute acquisition nouvelle, propose les mêmes étapes au travail de recherche. Cette fixité du plan, cette rigidité dans l’armature de la leçon, lui procurent un sentiment de sécurité : il sait — ou il entrevoit — que lorsqu’il aura découvert la clé d’une page nouvelle, il pourra, par ses propres moyens, explorer la page tout entière. Nous avons connu nombre d’enfants, et des enfants moyennement doués qui, après avoir appris avec l’aide du maître les deux ou trois premières consonnes du présent syllabaire, continuaient à étudier seuls la presque totalité des autres leçons : il leur suffisait d’examiner le mot-type (correspondant à une lettre inconnue) pour trouver la valeur de cette lettre (le son cherché se trouve presque toujours à la fin du mot-type) et, partant, pour déchiffrer les syllabes, les mots, les phrases.

La méthode syllabique constitue, non seulement pour le maître qui enseigne, mais encore pour les élèves, un moyen pratique de passer d’une connaissance acquise à une connaissance nouvelle ; elle permet de faire une large place au travail personnel de l’enfant ; elle ne nécessite pas une intervention constante du maître : elle se plie aisément aux conditions de la vie scolaire journalière ; elle s’accommode plus que toute autre des rentrées tardives, des fréquentations irrégulières si coutumières aux petits. Aussi continue-t-elle, en dépit des attaques dont elle est l’objet, à conserver sa place dans la plupart des écoles, et tout spécialement dans les classes à plusieurs divisions où le maître ne peut consacrer aux petits tout le temps désirable et où, pour cette raison, l’emploi de la méthode globale est difficile et décevant.

Toutefois la méthode syllabique, telle que nous la concevons dans le présent manuel, ne prétend pas ignorer la méthode globale : elle emprunte à cette dernière un certain nombre de procédés dont la valeur est indiscutable : dès les premières leçons sur les consonnes, elle introduit dans le texte des mots qui aideront à la rédaction des historiettes mais qui, par leur structure, ne devraient pas figurer dans la progression adoptée ; en outre, les mots ne sont pas séparés en syllabes, l’enfant le voit « globalement », il n’a donc pas tendance à les morceler, ni dans ses lectures, ni dans ses copies ; si, parfois, un maître éprouve le besoin, pour faire lire un mot difficile, de le partager en syllabes, cette analyse devra être suivie immédiatement d’une synthèse qui restituera au mot sa véritable physionomie : enfin l’usage des jeux de lecture, des « lotos littéraires » et des dictées enseigne le maniement des mots et fixe, dans les mémoires, leur orthographe (voir les instructions à la page « Méthode proposée pour l’étude des consonnes »).

Le pédagogue doit se garder de l’esprit de système ; il emprunte à toutes les méthodes les commodités qu’elles lui offrent. La vérité pédagogique, qui est fille du bon sens, se situe toujours à quelque distance des thèses extrêmes.

 A. Davesne, Nouveau syllabaire de Mamadou et Bineta, Istra, 1950.

Voir aussi :

Mamadou et Bineta

Dessin sur quadrillage - Cours préparatoire

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Méthodes de lecture, 

Apprentissage de la lecture

1- Michel Delord : Sur la lecture 1 (écriture-lecture, globale, idéovisuelle, maternelle, etc.)

2- L’efficacité des méthodes de lecture

3- Les inconvénients supposés de la syllabique

4- La méthode syllabique (ou alphabétique) - Préjugé 1 : elle condamne les jeunes lecteurs au non-sens

5- Globale / Syllabique / Mixte

6- Dossier Méthodes de lecture (SKHOLE.FR)

7- Ecrire, lire et comprendre : l'enseignement élémentaire (Liliane Lurçat)

8- False dichotomy 1 : Phonics vs. Meaning

9- Fausse opposition 1 : « décodage contre sens »

10- Il faut enseigner le décodage grapho-phonologique

11- Il a vaincu l’illettrisme chez les plus défavorisés (Tom Mc Kay)

12- Brigitte Guigui, institutrice & la querelle des méthodes de lecture

13- L'Alphabet, machine libératrice (C. Kintzler sur Havelock) 

14- Rapport IGEN/ONL 2005 : L'apprentissage de la lecture à l'école primaire

15- Méthode de lecture de Pascal (1ère méthode phonique synthétique)   

16- Irénée Carré, L'enseignement de la lecture, de l'écriture et de la langue française à l'école primaire (1889) 

17- Synthetics Phonics Is The Best (Clarkmannanshire, Scotland) 

18-Supériorité de la méthode alphabétique (compte-rendu de l'expérience de Clarkmanannshire et explications)

 


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